Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore, nous leur en prenons toujours. Le Jardin zoologique annonce, en l’honneur de Rubens, une vente d’animaux féroces, superflu de sa richesse ; nous sommes capables d’acheter un lion, s’il le faut, et de témoigner ainsi notre admiration au grand Peter-Pauwel. Dans la rue Koolkaai, la plus pittoresque d’Anvers, une marchande de moules en plein vent voulait me faire goûter à ses beaux mollusques bleus ; comme je sortais de déjeuner, j’y avais certaine répugnance : le nom de Rubens vainquit tous mes scrupules d’estomac, et je fus récompensé par un bon sourire.

Donc Rubens est à toutes sauces, et il suffit à tous les plats, car c’est un fort grand homme, en effet. Mais dans l’usage que les Anversois font de son nom, ils arrivent à des résultats euphoniques tout à fait particuliers. C’est ainsi que nous sommes tombés en arrêt devant une affiche proclamant le Rubensbal ! Prononce le mot à haute voix pour en obtenir le caractère : Rubensbal ! Naturellement, nous sommes entrés à ce Rubensbal, qui est un bal populaire. Le plaisir et la bonne humeur y régnaient en maîtres.

Figure-toi une vaste salle, tellement basse de plafond qu’on a été forcé d’y pratiquer un trou pour que le violoncelliste puisse y tenir son instrument debout ; une partie du manche est perdue là dedans, enfoncée dans l’étage supérieur, de telle sorte que le musicien y plonge le bras et le ramène tour à tour, sans que l’on comprenne à quelle occupation il se livre. D’autres trous, également percés dans le plafond, forment des chapeaux d’air aux lampes de l’orchestre. Presque tous les instrumentistes ont des