Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/150

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extra-muros, j’aurais opté pour la baraque. Oh ! quel galetas de misère ! Il se composait d’une chambre unique, ouvrant directement sur un couloir sans air et sans jour et infecté d’une odeur pestilentielle. Dans cette chambre, devant la fenêtre, une planche posée sur deux traverses, formant table d’architecte, où s’éparpillaient les feuilles de papier et les carnets à croquis, autour d’une assiette ébréchée servant de palette à l’aquarelliste. En fait de chaises, pas deux, une. Et, au fond, le long de la muraille, un lit, assez vaste du reste, en désordre, au pied duquel s’étalait soigneusement plié, un complet de soirée, flûte, gilet, pantalon et claque, l’habit de bataille parisienne.

Au centre, un poêle de fonte, sur lequel une marmite chantait à petit bruit, et dont le tuyau, chargé de linges divers, se perdait dans le couloir comme une branche d’arbre calcinée.

— Je vous demande pardon, ricana Forain en tisonnant le foyer du poêle, mais j’ai des malades. Asseyez-vous donc, je pense que vous savez vous asseoir !

À ce moment, du grand lit défait, sous le moutonnement des draps, une pauvre créature se souleva et toussa pour m’indiquer sa présence. Elle était d’une pâleur de cire et sa chevelure embroussaillée, ses lèvres gercées, ses yeux cernés par la fièvre, tout révélait en elle, avec une douleur profonde, l’abandon de la moindre coquetterie féminine. Je remarquai qu’elle était couchée toute habillée ; son corsage seul restait entr’ouvert, sans que je m’expliquasse ce qu’elle y pressait sur son sein nu.

— Oui, me dit l’artiste, c’est un petit chrétien de plus. On ne sait pas comment on est père. Pour ce