VII
LA SOUPE À L’OIGNON
Mes relations d’amitié avec Antoine Vollon datent d’une soupe à l’oignon. C’était déjà et depuis longtemps un maître célèbre de son art. Il avait plusieurs de ses toiles au Musée du Luxembourg et aucune collection d’amateur ne pouvait passer pour complète s’il y manquait une « nature morte » de ce Chardin moderne.
L’homme en Vollon était à la fois très fin, très timide et très brusque. Il ne tenait en ce monde qu’à son indépendance, mais il y tenait comme à sa peau même et sans la moindre concession aux usages, convenances, que dis-je, à ses propres intérêts. Il n’allait que là où il lui plaisait d’aller, à son heure selon son gré, la plupart du temps à l’improviste. Je ne crois pas qu’il ait jamais répondu à une lettre, et je suis sûr qu’il ne s’est oncques rendu à un rendez-vous. Il avait plusieurs ateliers où il apparaissait inopinément et qu’il délaissait de même, sans raison