Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/170

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quémandage auxquelles j’étais aussi peu propre que dextre.

— Quémandage, s’était écrié le rêveur éveillé, êtes-vous fou ? Ils ne sont créés et mis au monde que pour subventionner les œuvres des gens d’esprit tels que vous, et ils le savent mieux que personne, soyez-en sûr. Mais comment leur parlez-vous ? Parions que vous les sollicitez ? Ah ! malheureux ! Les actionnaires, ça se mène à coups de cravache, comme un Parlement sous Louis XIV. Allons, oust, ce petit million, et plus vite que ça !… Et ils le casquent.

— Vous croyez qu’ils le casquent ?

— Comment, si je le crois ? Où allez-vous en ce moment ?

— Là, en face, chez l’un d’eux, M. Aimé Pellorce.

— Le petit Pellorce ? Avec lui, vous en avez pour cinq minutes. Je vous attends ici, sur le trottoir. C’est le temps d’une cigarette. Mais pas de blague, hein ! poète, le verbe haut et le chapeau sur la tête.

— Si vous montiez avec moi, cher ami, suggérai-je. J’aimerais mieux ça, vous parleriez à ma place, et comme il faut parler à ces vils actionnaires.

— Montons. Vous allez voir.

Une bonne nous fit entrer dans un salon d’attente que je peindrais encore si l’on pouvait peindre l’intérieur d’une boîte vide, rectangulaire, tendue de papier marron, sans le moindre cadre, glace ou tableau, sur les quatre ais, et ne prenant jour que de celui de l’antichambre. Pour tout ameublement, une banquette de justice de paix, et, sur la cheminée, d’ailleurs close par un paravent, un objet sans nom, sans forme, arbitrairement décoratif, en fonte vert-bronzée, qui ne pouvait figurer une pendule que