Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/172

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« sur le cadran même », soit par un jeu qui consistait à rejoindre sur nos montres l’heure de Louis-Philippe, roi des poires. — J’avance de deux minutes sur Thiers, m’expliqua-t-il ; et vous ? — Moi je retarde de trois sur Guizot. — La pendule marche ? — Elle marche vers six heures, à pas d’aiguilles. — Secouons-la d’abord. — De droite à gauche ou de gauche à droite ? — Dans les deux sens. À présent, l’œil à nos toquantes. Le premier arrivé offre l’apéritif. — Tope. — Nous gagnâmes à ce sport d’horlogerie un certain laps sur ce que, — depuis le Théâtre Libre — on appelle le « poirotage », et ce fut le serpent qui écopa des deux absinthes suisses. — Allons les savourer, m’écriai-je, l’actionnaire est rébarbatif, visiblement. — Je le prends pour trente mille livres, et la pendule avec, sonna Bachaumont qui la mit sous son bras, comme il le disait.

Et la bonne parut.

— Oh ! la pendule, fut son cri, la pendule de feu le mari de madame !

— Vous le voyez, elle marche, sourit mon compagnon, nous la remontions pour nous distraire. Et M. Pellorce ?

M. Pellorce ?… C’est au-dessous. Ici, c’est la comtesse, veuve du général de… Vous ne vous êtes trompés que d’un étage.

Je n’ai jamais révélé à notre aimable actionnaire, car il le devint en effet, cette expédition chez sa vénérable voisine, ni comment nous accommodâmes, plus vénérable encore, la pièce d’art qui pour elle sans doute était aussi précieuse que les chefs-d’œuvre de Lepaute et de Bréguet. Elle fut la note drôle de ma chasse aux actionnaires, et je n’al-