Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/173

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lais pas en trouver le pendant à l’Union générale.

Parmi les cinq ou six collèges sur les bancs desquels mon enfance usa ses culottes jusqu’au jour où l’on me mit enfin aux bras de l’Alma Parens, sous la barbe fleurie de Charlemagne, la jésuitière de Poitiers dédiée à l’invocation de saint Joseph, est l’école qui m’a laissé le plus noir souvenir. Aujourd’hui encore je ne pense pas sans un frisson à l’année que je passai dans ce sinistre bagne d’enfants, en 1861, à quinze ans. Peut-être me déciderai-je un jour à remonter le cours de ma vie jusqu’à ce temps de douleur où je n’en redois rien aux Charles Dickens et aux Jules Vallès pour le martyre d’une âme tendre de gosse. J’ai payé ma dette de tristesse humaine au commencement de ma destinée et si le docteur Azaïs dit vrai, j’ai un peu droit pour la fin au rire philosophique, par compensation. Mais laissons.

Le collège Saint-Joseph, à Poitiers, tenu par les Révérends Pères, se distinguait en ceci de leurs autres pépinières que les élèves dont il se composait, étaient triés sur le volet de la pure noblesse française. Il fallait, à défaut des vingt quartiers, devenus rares, attester d’un « quinquisme » fervent pour y être toléré par les camarades, participer à leurs jeux et même éviter les torgnoles. Or, non seulement je n’avais blason ni particule, mais j’ignorais absolument l’existence de cet Henri V dont la royauté in partibus troublait à la fois mes notions d’Histoire moderne et ma chronologie. Dès le premier jour, j’avais été sommé de manifester ma foi royaliste, et mis au pied du mur à cet effet sans métaphore, par un groupe de dix ou douze petits Croisés