Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/242

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d’un jour. Être lu, dans l’espèce, c’est le triomphe, mais relu, il n’y faut pas compter.

Une chronique, si heureuse soit-elle, a la vie des insectes de l’Hypanis, nés à l’aurore, morts au couchant, il faut s’y résigner. Si l’on songe à la brièveté de son sort, on conviendra qu’elle n’en est que plus difficile à exécuter et que l’honneur de bien faire y soutient seul l’ouvrier. Francisque Sarcey, qui chroniqua surabondamment, à pied, à cheval et en voiture, et mérite au moins le généralat, était l’exemple de ce renoncement à la postérité dont la vertu est ici professionnelle. Sa « page » achevée, il en commençait une autre, pour rien, pour le plaisir, et ne s’occupait plus de son destin, ce en quoi il fut deux fois un sage.

Deux autres qualités, me semblent encore indispensables, — au moins l’étaient-elles dans le vieux jeu — à celui qui veut décrocher les anneaux sur les chevaux de bois de la Chronique. L’une est un fonds d’érudition dont ni les hautes études, ni même l’École normale ne suffisent à enrichir leurs forts-en-thèmes.

Invité en effet à traiter de toutes choses et à être, à l’improviste, le Pic de La Mirandole d’un De omni re scibili où surgit chaque jour un problème, l’amuseur ne s’en tire pas à moins d’une connaissance fondamentalement encyclopédique, au moins par les notions générales. Être pris sans vert sur une question de philosophie, de jurisprudence, d’histoire, de peinture, de musique, de statuaire, et n’en pouvoir, à réquisition, ratiociner en profès, c’est défaillir au sacerdoce.

Le chroniqueur n’est pas un spécialiste, il est tous