Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/252

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Pugno fut son prophète. Mais revenons au « Chant des Drapeaux ».

Adonc lorsque Jules Laffitte eut ouï, de ses oreilles, les sons mariés aux mots que l’hymne m’avait inspirés, son admiration s’exprima par des petits cris à la créole, — il était de la Guadeloupe — soulignés d’une béance auprès de laquelle celle de la famille Dietrich, à Strasbourg, autour de Rouget de Lisle n’est plus qu’un écarquillement vulgaire. Il se saisit de ma composition et s’enfuit sans se retourner. Je l’avais fixée d’une écriture malhabile, sur du papier écolier dont j’avais tracé les portées avec le crayon et la règle, et harmonisée, comme pour la guitare à usage de main droite seulement. C’était tout ce que je savais faire.

Personne n’ignore que Pierre Dupont n’allait même pas si loin que moi en technique musicale et que c’est Ernest Reyer qui, de auditu, lui écrivait ses chansons pour les éditeurs. En l’absence de Saint-Saëns, il y avait au Voltaire un théoricien nommé Roux, qui était, je crois, le mari de Mme Brunet-Lafleur, et rédigeait les comptes rendus des concerts. C’était un bémoliste consommé. Laffitte l’avait mandé en toute hâte et lui avait remis mon monstre musicographique. Il s’était déclaré incapable de le « traduire » sans l’entendre de la bouche même de l’auteur, afin de savoir au moins ce qu’il avait voulu faire. Il va sans dire que je me prêtai à l’humiliation, comptant sur le prestige de cette voix de ténor dont Théophile Gautier m’avait conseillé, à mon mariage, d’exploiter le diamant au juste dam de l’ingrate littérature.

Après avoir rallié Georges Charpentier et Jules