Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/275

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Avignon, 26 mai, 11 heures du matin.
« Chère sœur,

« Je n’ai pas eu le temps d’écrire ma lettre. Les processions ont duré toute la journée. Elles sont très curieuses. Il y a de petits enfants qui sont habillés en petits bons dieux portant leurs croix, très drôles, des petits saint Jean, et les pénitents noirs quêtant pour les prisonniers, la figure couverte par leurs capuchons. Toutes les rues sont tendues d’un plafond de toile grise et, des fenêtres, pendent des étoffes de soie rouges, bleues, roses, jaunes, et des dentelles. Les murailles sont aussi tapissées, comme à Paris. Enfin du haut du rocher, l’archevêque donne la bénédiction à son peuple agenouillé. Il était aussi brillant que le soleil. Ces gens-là seuls savent être dignes. Ils ont des manières à eux de marcher. Il y a aussi un ordre qu’on appelle : les Récollets qui ont joliment l’air d’être en carton. Si je voulais tout te raconter, je n’en finirais plus. — Soigne bien Raton, il avait déjà l’air malade quand je suis partie. La tante Mion est vraiment incroyable, elle trotte comme un lapin blanc, jamais elle n’est fatiguée. Je parle avec elle de nos chers Parisiens, quoique je pense, tu sais, beaucoup plus que je ne parle, trouvant souvent les paroles inutiles. — J’avais oublié de te parler d’une chose de ma vie de voyageuse. C’est une chasse aux puces. Charmant animal, mais à la fin intolérable. Quand je ne cours pas, je chasse. Quelle vie de duchesse ! Il y a aussi les punaises d’Avignon, affreuses bêtes, les seules que je puisse tuer sans regrets. Enfin, il faut être clément et supporter les bêtes des pays où