Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/276

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l’on se trouve. Une dame m’a dit que c’étaient les vers à soie qui nous donnaient ces animaux. Fais attention à ton lit et ne te laisse pas manger vive, ce sera temps lorsque nous serons mortes. — Les fleurs sont plus belles ici qu’à Paris. Un monsieur m’en a donné que je n’avais jamais vues. Soigne-toi bien et sois aussi tranquille sur mon compte que si j’étais auprès de toi ; je suis soignée comme une chose précieuse. Quant aux lettres, elles dépendent du chemin de fer, non de moi. Je n’ai pas fait de broderie anglaise. »

« Avignon, 4 juin 1856.
« Chère sœur,

« Nous avons eu une inondation complète. Je me croyais à Venise la rouge, comme dit Alfred de Musset. Figure-toi, une partie des remparts s’étant écroulée, l’affreux vacarme que cela a dû produire dans la ville. Nous avons eu une tempête sur terre. Comme j’ai pensé à toi qui as peur de la pluie. Je crois qu’à ma place tu serais morte de peur et, vraiment, sans être poltronne, c’était effrayant. Le tonnerre n’est rien près de ce bruit-là. La tante n’était pas très brave. Nous avons eu de l’eau jusqu’au premier étage. Point de vivres. Heureusement le gouvernement nous a apporté de quoi ne pas mourir, juste assez mais pas plus. Monseigneur passait en bateau et jetait du pain dans nos fenêtres avec beaucoup de grâce. Il était beaucoup plus homme sans la mitre. Il portait un chapeau rond avec un cordon d’or, mais quelle main ! Du reste, il est très gentil. Les femmes sont laides ici, c’est malheureux qu’elles ne ressemblent pas aux maisons qui sont charmantes. Cela gâte le pays. Les