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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/43

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Lettre VI

RUBENS


Lundi 20 août.

On n’aime pas à demi, quand on l’aime, l’art de ce puissant créateur de visions. Il vous rendrait même injuste, si l’on n’y prenait garde, pour les manifestations de la peinture intime et pour des recherches notoirement plus philosophiques que les siennes. Peu s’en faut que dans l’enivrement du plaisir on ne se laisse aller à blasphémer contre les lentes et mystérieuses possessions de Léonard et de Rembrandt. Dans cette expansion débordante, dans cette facilité quasi inconsciente, dans cette abondance du don, on s’abandonnerait aisément à reconnaître les signes de la force idéale dans l’art, la perfection rêvée et surhumaine, le type du génie enfin. Il ne suffit pas de se raisonner pour reprendre pied devant Rubens, il faut se soustraire à sa domination formidable, il faut le fuir et le mesurer à distance, comme on fait des montagnes. C’est à quoi nous nous sommes décidé. Rembrandt est un sphinx qui ne