Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’argent n’est pas tout dans la vie. Il y a l’idée, le travail, la chance…

— Et les impositions. Mais qu’est-ce qui vous chiffonne ?

— L’obscurité de cet entresol. Je ne l’avais pas visité. La boutique, en bas, est bien, très bien même, claire, gaie, elle a plu à mon secrétaire lui-même, mais cet entresol ! Comment voulez-vous que j’y installe mon bureau directorial ? Il est quatre heures à peine et je ne vous vois déjà plus en vous parlant. Quel entresol, monsieur, au centre de la Ville Lumière !

— Qu’à cela ne tienne, fit-il en se levant, et penché sur la rampe de l’escalier en tire-bouchon qui menait au rez-chaussée : — Prinsler, cria-t-il au vieil employé du comptoir, faites partir le transparent.

L’entresol flamboya. On eût dit une grotte de stalactites, illuminée par cent torches. Je me crus tombé dans un brasier d’enfer, et certainement des diables, armés de fourches, arrivaient par le couloir pour me crever les yeux d’abord, et me piquer ensuite à travers le corps ma pauvre âme de critique d’art. Tout à coup, sur un tableau de cristal bordé d’un cadre sombre qui tenait en long, en large et en profond toute la façade de l’étage, une inscription se détacha en lettres talamasques :

ENGAPMAHC YANREPE REICREM

Je n’ai pas peur des incantations ; un conte d’Hoffmann ne m’empêche pas de dormir ; je fais tourner des tables avec l’impavidité de l’homme d’Horace,