Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans parler de — sur le crâne — la chaleur térébrante dont elle incendiait l’étuve, une chaleur de plomb de Venise, à épiler, l’été, tous les bonnets à poils de la Grande Armée ! Mais j’avais promis à René Delorme d’être balzacien. Il fallait l’être. Je le fus. Voici comme.

— Monsieur, répartis-je, en me levant, je n’ai pas à vous céler l’emploi que je veux faire de votre magasin, ni quel est mon humble commerce. Je suis journaliste, de l’espèce : écrivain d’art. Je voudrais résumer à la fois et parachever une carrière d’ailleurs officielle, mais dont je suis saoul, par la publication d’un périodique dans lequel j’exploiterais mes capacités esthétiques, à fin de rendement, et gagnerais de quoi vivre directement avec la nature. Je ne sais si je vous intéresse beaucoup par ce programme, mais le périodique que je rêve, et dont je rêve, ne peut être que le parangon des périodiques. Il doit annihiler tous les similaires, comme on écrase une mouche d’un coup de serviette sur une vitre. J’ai les éléments de cet écrasement, rédaction d’artistes et d’écrivains, ut pictura poesis, et le local seul de leur collaboration me manque, je veux dire qu’il me ferait défaut si je n’avais pas providentiellement bouté du nez sur le vôtre. J’ajoute que, avec ou sans transparent, au prix du beurre, il est donné. Si j’avais dix-huit mille francs, je ne les affecterais à aucune autre destination, mais je ne les ai pas… sic !

M. Mercier avait écouté sans m’interrompre cette palabre bonimentaire où Balzac n’eût contresigné que son Gaudissart. Il leva les yeux, me regarda quelques instants et, souriant :