Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/87

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Voyons, combien pouvez-vous mettre au logement de votre journal ?

Je ne lui répondis que par un geste dont la mimique renvoyait la question à Dieu même, et à ses anges.

— Vous me plaisez beaucoup, et j’y crois, moi, à votre périodique. Pouvez-vous aller jusqu’à neuf mille francs ?… Non ?… Six alors ?… Pas même ? Diable !

Et il se mit à arpenter l’entresol.

— J’ai commencé avec rien, contait-il comme en soliloque. J’étais ouvrier chez Clicquot. Je bouchais d’abord les bouteilles… Je suis sans instruction, m’étant élevé moi-même, mais j’aime les livres, les tableaux et ceux qui en font. Vous n’êtes pas mal tombé. C’est signe de chance. Êtes-vous marié ? Bien. Père de famille ? À la bonne heure. Et puis pour ce que j’en fais de ma boutique ! Elle ne sert qu’à Prinsler pour dormir. Seulement je tiens au transparent lumineux. Il me les rapporte par la réclame, et au delà, les dix-huit mille. Il est bien entendu que vous n’y toucherez pas, au transparent lumineux. Pour le reste… — Pour le reste ? — Entrez, vous êtes chez vous.

Et il jeta cela du ton dont Paulin-Ménier, dans le Courrier de Lyon, envoyait au juge le : « Prenez ma tête ! »

René Delorme m’attendait sur le boulevard. — Eh bien ?…

De l’index dressé, et tel un clocher indique la lune, je lui montrai mon œil. Il était de Paris, comme moi, il comprit la métaphore. En parigot : à l’œil, c’est le : gratis pro deo des anciens.