Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/92

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s’occupait de la rédaction coopérante et il faisait merveille dans sa besogne plus aisée d’ailleurs que la mienne. À chaque coup de filet il amenait un papillon de lettres à la participation. Quel auxiliaire admirable avec ses yeux doux de lévrier sur une mâchoire de bouledogue ! Aidé d’un pareil Morny j’eusse tenté n’importe quel Deux-Décembre.

L’imprimeur que je capturai dans ma nasse miroitante n’était rien moins que l’un des plus considérables de la Ville Lumière. C’était M. Chamerot, le propre gendre de Pauline Viardot. Ses presses ronflaient alors rue des Saints-Pères. Il y atteignait la maîtrise de son art et les pièces qu’il a signées de son nom n’en laissent rien, en typographie, aux Elzévier, Plantin, Didot et autres illustres du caractère. Je lui soumis mon plan de journal mutuelliste, et, dois-je le dire, il hésita !

Je lui ai pardonné. Je le rencontre quelquefois sur les boulevards, et nous allons, bras-dessus, bras-dessous, causant de notre pauvre Vie Moderne et du bon temps où je lui faisais perdre chaque semaine le billet de mille pour son dimanche. Il m’avait surnommé drôlement : Celui qui coopère lui-même. Il m’a gardé cet aimable sobriquet pour toute vengeance.

Il y avait alors, rue de Madame, tout au bî du bout du monde, soit à trois francs cinquante de fiacre, un garçon très curieux, appelé Charles Gillot, qui dirigeait un atelier de paniconographie, hérité de son père, l’inventeur même de ce procédé de gravure dit : le gillotage. J’avais entendu parler de lui par Edmond de Goncourt et Philippe Burty, japonistes pratiquants, comme on sait, et qui n’admettaient pas de