Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/340

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transpose Le Capitaine Fracasse, pour la scène.

— Il y a commande, lui dis-je, c’est mon excuse. — De qui la commande ? — Du directeur même du Second Théâtre-Français. — Ranc me regarde, baisse le nez dans son absinthe et, après un instant de silence : — Connaissez-vous Castagnary ? — Peu. Pourquoi ? — Parce que vous aurez besoin de lui. — À quel titre ? — C’est le directeur des Beaux-Arts… et de l’Odéon. Et tirant l’une de ses cartes, l’Éminence Grise (c’est son épithète boulevardière) y crayonne quelques mots et me la donne. — Mais que savez-vous donc de cette affaire ? — Rien, prenez toujours. — Et mon inquiétude commence.

— Vingt pas plus loin Paul Lordon, un camarade de la presse, m’aborde allégrement et les mains tendues : — J’allais t’écrire, tu m’économises les trois sous. Je quitte Porel. Il est ravi de tes trois premiers actes. « Des vers charmants, m’a-t-il dit, et de vrais vers de théâtre, du Regnard ! » Je te rapporte ses propres paroles.

— Et enfin, au Figaro, où je vais porter à Magnard ma chronique (le canard de l’Élysée), Philippe Gille m’offre son entremise. Il est au mieux avec Porel et dîne avec lui le soir même. Il se charge de tout arranger. — Arranger tout quoi ? — Je croyais que tu savais. Il n’a pas l’intention de jouer ta pièce ou, pour mieux dire, il a celle de ne pas la jouer. — Et je rentre sur ces renseignements, la carte de Ranc dans ma poche.

Mardi 6 et mercredi 7. — Que faire ? D’abord terminer l’ouvrage. C’est un travail de deux nuits. Plus on fouette la toupie, mieux elle tourne. Allons-y, Muse, comme dit Alfred (de Musset).