Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/67

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prit en pure grippe. Mais comme il en était, de cette participance, il avait droit statutaire à sa chronique par semaine et au jour fixé, il en apportait la copie à la direction.

— Ah ! souriait Francis Magnard, voici cet excellent M. de Saint-Genest qui nous apporte sa page hebdomadaire ! — Comme vous voyez, mon cher directeur. — Merci, mon cher collaborateur. Asseyez-vous donc, si vous en avez le loisir toutefois. — Et, sonnant au chef de la composition, le pince-sans-rire lui remettait l’enveloppe cachetée qui allait s’empiler avec les autres dans « les archives ». — Car c’est en journalisme surtout que les morts vont vite, ô Lénore !

Un jour donc que, témoin navré de cette scène usuelle et régulière où se présageait le sort fatal promis à ceux qui, dans le négoce, ont cessé de plaire, je descendais de la rédaction, l’huissier d’antichambre m’avisa que quelqu’un, ayant à me parler, m’attendait dans la rue, à la porte. C’était Jules Guérin. — Pourquoi n’es-tu pas monté, lui demandai-je ? — Tu vas le savoir. — Et il m’entraîna dans un café voisin qui était alors la petite bourse des marchands de perles et de pierreries. Je n’en avais ni à vendre ni à acheter et je le regardais avec inquiétude. — Veux-tu, commença-t-il, plaquer Le Figaro et donner tes calibanités au Gil Blas ? — Je n’en ai pas la moindre envie. Pourquoi ? — C’est le père Dumont qui m’envoie. Fais ton prix. — Je n’en ai pas à faire. Je me plais au Figaro, on m’y laisse la bride sur le cou, même pour mes adjectifs truculents, et tout m’assure que je n’y nuis pas encore au tirage. — Et Guérin secouait la tête. — Ça ne du-