Page:Bergson - Durée et simultanéité.djvu/125

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du temps vécu. Le temps vécu par Paul serait le temps de Paul référant et non plus référé : ce serait exactement le temps que vient de se trouver Pierre.

Nous revenons donc toujours au même point : il y a un seul Temps réel, et les autres sont fictifs. Qu’est-ce en effet qu’un Temps réel, sinon un Temps vécu ou qui pourrait l’être ? Qu’est-ce qu’un Temps irréel, auxiliaire, fictif, sinon celui qui ne saurait être vécu effectivement par rien ni par personne ?

Mais on voit l’origine de la confusion. Nous la formulerions ainsi : l’hypothèse de la réciprocité ne peut se traduire mathématiquement que dans celle de la non-réciprocité, car traduire mathématiquement la liberté de choisir entre deux systèmes d’axes consiste à choisir effectivement l’un d’eux[1]. La faculté qu’on avait de choisir ne peut pas se lire dans le choix qu’on a fait en vertu d’elle. Un système d’axes, par cela seul qu’il est adopté, devient un système privilégié. Dans l’usage mathématique qu’on en fait, il est indiscernable d’un système absolument immobile. Voilà pourquoi relativité unilatérale et relativité bilatérale s’équivalent mathématiquement, au moins dans le cas qui nous occupe. La différence n’existe ici que pour le philosophe ; elle ne se révèle que si l’on se demande quelle réalité, c’est-à-dire quelle chose perçue ou

  1. Il ne s’agit toujours, bien entendu, que de la théorie de là Relativité restreinte.