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L’ÉVOLUTION DE LA VIE

moins chez les animaux, et dans la mesure que nous aurons à indiquer.

On aboutirait ainsi à une hypothèse comme celle d’Eimer, d’après laquelle les variations des différents caractères se poursuivraient, de génération en génération, dans des sens définis. Cette hypothèse nous paraît plausible, dans les limites où Eimer lui-même l’enferme. Certes, l’évolution du monde organique ne doit pas être prédéterminée dans son ensemble. Nous prétendons au contraire que la spontanéité de la vie s’y manifeste par une continuelle création de formes succédant à d’autres formes. Mais cette indétermination ne peut pas être complète : elle doit laisser à la détermination une certaine part. Un organe tel que l’œil, par exemple, se serait constitué précisément par une variation continue dans un sens défini. Même, nous ne voyons pas comment on expliquerait autrement la similitude de structure de l’œil dans des espèces qui n’ont pas du tout la même histoire. Où nous nous séparons d’Eimer, c’est lorsqu’il prétend que des combinaisons de causes physiques et chimiques suffisent à assurer le résultat. Nous avons essayé au contraire d’établir, sur l’exemple précis de l’œil, que, s’il y a ici « orthogenèse », une cause psychologique intervient.

C’est précisément à une cause d’ordre psychologique que certains néo-lamarckiens ont recours. Là est, à notre sens, un des points les plus solides du néo-lamarckisme. Mais, si cette cause n’est que l’effort conscient de l’individu, elle ne pourra opérer que dans un nombre assez restreint de cas ; elle interviendra tout au plus chez l’animal, et non pas dans le monde végétal. Chez l’animal lui-même, elle n’agira que sur les points directement ou indirectement soumis à l’influence de la volonté. Là même où elle