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SCHÉMA DE LA VIE ANIMALE

se distribuent très inégalement, et cette inégalité de distribution nous paraît instructive au plus haut point.

Charriées par le sang artériel sous forme de glycose, ces substances se déposent, en effet, sous forme de glycogène, dans les diverses cellules qui forment les tissus. On sait qu’une des principales fonctions du foie est de maintenir constante la teneur du sang en glycose, grâce aux réserves de glycogène que la cellule hépatique élabore. Or, dans cette circulation de glycose et dans cette accumulation de glycogène, il est aisé de voir que tout se passe comme si l’effort entier de l’organisme s’employait à approvisionner d’énergie potentielle les éléments du tissu musculaire et aussi ceux du tissu nerveux. Il procède diversement dans les deux cas, mais il aboutit au même résultat. Dans le premier, il assure à la cellule une réserve considérable, déposée en elle par avance ; la quantité de glycogène que les muscles renferment est énorme, en effet, en comparaison de ce qui s’en trouve dans les autres tissus. Au contraire, dans le tissu nerveux, la réserve est faible (les éléments nerveux, dont le rôle est simplement de libérer l’énergie potentielle emmagasinée dans le muscle, n’ont d’ailleurs jamais besoin de fournir beaucoup de travail à la fois) : mais, chose remarquable, cette réserve est reconstituée par le sang au moment même où elle se dépense, de sorte que le nerf se recharge d’énergie potentielle instantanément. Tissu musculaire et tissu nerveux sont donc bien deux privilégiés, l’un en ce qu’il est approvisionné d’une réserve considérable d’énergie, l’autre en ce qu’il est toujours servi à l’instant où il en a besoin, et dans l’exacte mesure où il en a besoin.

Plus particulièrement, c’est du système sensori-moteur que vient ici l’appel de glycogène, c’est-à-dire d’énergie