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DE LA SIGNIFICATION DE LA VIE

dispose. Et, chez les animaux à système nerveux, elle est proportionnelle à la complication du carrefour où se croisent les voies dites sensorielles et les voies motrices, c’est-à-dire du cerveau. Comment faut-il comprendre cette solidarité entre l’organisme et la conscience ?

Nous n’insisterons pas ici sur un point que nous avons approfondi dans des travaux antérieurs. Bornons-nous à rappeler que la théorie d’après laquelle la conscience serait attachée à certains neurones, par exemple, et se dégagerait de leur travail comme une phosphorescence, peut être acceptée par le savant pour le détail de l’analyse ; c’est une manière commode de s’exprimer. Mais ce n’est pas autre chose. En réalité, un être vivant est un centre d’action. Il représente une certaine somme de contingence s’introduisant dans le monde, c’est-à-dire une certaine quantité d’action possible, — quantité variable avec les individus et surtout avec les espèces. Le système nerveux d’un animal dessine les lignes flexibles sur lesquelles son action courra (bien que l’énergie potentielle à libérer soit accumulée dans les muscles plutôt que dans le système nerveux lui-même) ; ses centres nerveux indiquent, par leur développement et leur configuration, le choix plus ou moins étendu qu’il aura entre des actions plus ou moins nombreuses et compliquées. Or, le réveil de la conscience, chez un être vivant, étant d’autant plus complet qu’une plus grande latitude de choix lui est laissée et qu’une somme plus considérable d’action lui est départie, il est clair que le développement de la conscience paraîtra se régler sur celui des centres nerveux. D’autre part, tout état de conscience étant, par un certain côté, une question posée à l’activité motrice et même un commencement de réponse, il n’y a pas de fait psychologique qui n’implique l’entrée en jeu des mécanismes corticaux. Tout paraîtra