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L’ÉVOLUTION DE LA VIE

transformisme, tel que le professe la presque unanimité des savants ? Si l’on réserve la question de savoir dans quelle mesure cet évolutionisme décrit les faits et dans quelle mesure il les symbolise, il n’a rien d’inconciliable avec les doctrines qu’il a prétendu remplacer, même avec celle des créations séparées, à laquelle on l’oppose généralement. C’est pourquoi nous estimons que le langage du transformisme s’impose maintenant à toute philosophie, comme l’affirmation dogmatique du transformisme s’impose à la science.

Mais alors, il ne faudra plus parler de la vie en général comme d’une abstraction, ou comme d’une simple rubrique sous laquelle on inscrit tous les êtres vivants. À un certain moment, en certains points de l’espace, un courant bien visible a pris naissance : ce courant de vie, traversant les corps qu’il a organisés tour à tour, passant de génération en génération, s’est divisé entre les espèces et éparpillé entre les individus sans rien perdre de sa force, s’intensifiant plutôt à mesure qu’il avançait. On sait que, dans la thèse de la « continuité du plasma germinatif », soutenue par Weismann, les éléments sexuels de l’organisme générateur transmettraient directement leurs propriétés aux éléments sexuels de l’organisme engendré. Sous cette forme extrême, la thèse a paru contestable, car c’est dans des cas exceptionnels seulement qu’on voit s’ébaucher les glandes sexuelles dès la segmentation de l’ovule fécondé. Mais, si les cellules génératrices des éléments sexuels n’apparaissent pas, en général, dès le début de la vie embryonnaire, il n’en est pas moins vrai qu’elles se forment toujours aux dépens de tissus de l’embryon qui n’ont encore subi aucune différenciation fonctionnelle particulière et dont les cellules se composent de protoplasme non modifié[1]. En d’autres termes, le pouvoir

  1. Roule, L’embryologie générale, Paris. 1893, p. 319.