Page:Bergson - Les Deux Sources de la morale et de la religion.djvu/323

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Éliminer ces causes ou en atténuer l’effet, voilà la tâche par excellence d’un organisme international qui vise à l’abolition de la guerre. La plus grave d’entre elles est le surpeuplement. Dans un pays de trop faible natalité comme la France, l’État doit sans doute pousser à l’accroissement de la population : un économiste qui fut pourtant le plus grand ennemi de l’ « étatisme » demandait que les familles eussent droit à une prime pour chaque nouvel enfant à partir du troisième. Mais ne pourrait-on pas alors, inversement, dans les pays où la population surabonde, frapper de taxes plus ou moins lourdes l’enfant en excédent ? L’État aurait le droit d’intervenir, de rechercher la paternité, enfin de prendre des mes-ares qui seraient en d’autres cas inquisitoriales, puisque c’est sur lui que l’on compte tacitement pour assurer la subsistance du pays et par conséquent celle de l’enfant qu’on a appelé à la vie. Nous reconnaissons la difficulté d’assigner administrativement une limite à la population, lors même qu’on laisserait au chiffre une certaine élasticité. Si nous esquissons une solution, c’est simplement pour marquer que le problème ne nous paraît pas insoluble : de plus compétents que nous en trouveront une meilleure. Mais ce qui est certain, c’est que l’Europe est surpeuplée, que le monde le sera bientôt, et que si l’on ne « rationalise » pas la production de l’homme lui-même comme on commence à le faire pour son travail, on aura la guerre. Nulle part il n’est plus dangereux de s’en remettre à l’instinct. La mythologie antique l’avait bien compris quand elle associait la déesse de l’amour an dieu des combats. Laissez faire Vénus, elle vous amènera Mars. Vous n’éviterez pas la réglementation (vilain mot, mais qui dit bien ce qu’il veut dire, en ce qu’il met impérativement des rallonges à