Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/236

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Dichotomie) on suppose le mobile au repos, pour ne plus envisager ensuite que des étapes, en nombre indéfini, sur la ligne qu’il doit parcourir : vous chercheriez vainement, nous dit-on, comment il arriverait à franchir l’intervalle. Mais on prouve simple­ment ainsi qu’il est impossible de construire a priori le mouvement avec des immobilités, ce qui n’a jamais fait de doute pour personne. L’unique question est de savoir si, le mouvement étant posé comme un fait, il y a une absurdité en quelque sorte rétrospective à ce qu’un nombre infini de points ait été parcouru. Mais nous ne voyons rien là que de très naturel, puisque le mouvement est un fait indivisé ou une suite de faits indivisés, tandis que la trajectoire est indéfiniment divisible. Dans le second argument (l’Achille), on consent à se donner le mouvement, on l’attribue même à deux mobiles, mais, toujours par la même erreur, on veut que ces mouvements coïncident avec leur trajectoire et soient, comme elle, arbitrairement décomposables. Alors, au lieu de reconnaître que la tortue fait des pas de tortue et Achille des pas d’Achille, de sorte qu’après un certain nombre de ces actes ou sauts indivisibles Achille aura dépassé la tortue, on se croit en droit de désarticuler comme on veut le mouvement d’Achille et comme on veut le mouvement de la tortue : on s’amuse ainsi à reconstruire les deux mouvements selon une loi de formation arbitraire, incompatible avec les conditions fondamentales de la mobilité. Le même sophisme apparaît plus clairement encore dans le troisième argument (la Flèche), qui consiste à conclure, de ce qu’on peut fixer des points sur la trajectoire d’un projectile, qu’on a le droit de distinguer des moments indivi­sibles dans la durée du trajet. Mais le plus instructif des arguments de Zé