Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/248

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et par conséquent son individualité à son mou­vement[1]. Mais dans l’une et l’autre hypothèses, nous voyons s’évanouir, à mesure que nous approchons des derniers éléments de la matière, la discon­tinuité que notre perception établissait à la surface. L’analyse psychologique nous révélait déjà que cette discontinuité est relative à nos besoins : toute philosophie de la nature finit par la trouver incompatible avec les propriétés générales de la matière.

À vrai dire, tourbillons et lignes de force ne sont jamais dans l’esprit du physicien que des figures commodes, destinées à schématiser des calculs. Mais la philosophie doit se demander pourquoi ces symboles sont plus commodes que d’autres et permettent d’aller plus loin. Pourrions-nous, en opérant sur eux, rejoindre l’expérience, si les notions auxquelles ils correspon­dent ne nous signalaient pas tout au moins une direction où chercher la représentation du réel ? Or, la direction qu’ils indiquent n’est pas douteuse ; ils nous montrent, cheminant à travers l’étendue concrète, des modifications, des perturbations, des changements de tension ou d’énergie, et rien autre chose. C’est par là surtout qu’ils tendent à rejoindre l’analyse purement psychologique que nous avions d’abord donnée du mouvement, et qui nous le présentait, non comme un simple changement de rapport entre des objets auxquels il s’ajou­terait comme un accident, mais comme une réalité véritable et en quelque sorte indépendante. Ni la science ni la conscience ne répugneraient donc à cette dernière proposition :

  1. THOMSON, On vortex atom (Proc. of the Roy. Soc. of Edimb., 1867). — Une hypothèse du même genre avait été émise par GRAHAM, On the molecular mobility of gases (Proc. of the Roy. Soc., 1863, p. 621 et suiv.).