Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/170

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Gluck, en arrivant à Paris, se vit forcé d’abandonner l’excellente disposition chorale adoptée en Italie et en Allemagne, pour se conformer à l’usage français. Il dérangea sa partie de contralto pour l’approprier à la voix de haute-contre. Soixante ans après, on découvrit que la nature produisait des contralti en France comme ailleurs. Nous possédons en conséquence à l’Opéra aujourd’hui beaucoup de ces voix graves de femmes et très-peu de hautes-contre. On a donc eu raison de rétablir presque partout dans Alceste la hiérarchie vocale naturelle que Gluck avait observée dans sa partition italienne. Je dis que cette restitution des contralti a été opérée presque partout, parce qu’en effet elle ne peut pas être faite sans restrictions ; il est des chœurs écrits pour des voix d’hommes seulement, dans lesquels la partie de haute-contre doit nécessairement rester aux premiers ténors.

Le chœur « Ô dieux ! qu’allons-nous devenir ? » suivant l’annonce du héraut, est plein d’une tristesse noble, qui fait mieux ressortir par sa gravité l’agitation de la stretta qui lui succède : « Non, jamais le courroux céleste, » dont les principaux dessins mélodiques sont aussi bien déclamés et d’une accentuation aussi vraie que les plus savants récitatifs.

Il en est de même du chœur dialogué : « Ô malheureux Admète, » dont la dernière phrase surtout, « malheureuse patrie ! » est d’une poignante vérité d’expression.

Dans le récitatif d’Alceste à son entrée, l’âme tout entière de la jeune reine se dévoile en quelques mesures. Le bel air : « Grands dieux, du destin qui m’accable, » est à trois mouvements : un mouvement lent à quatre temps, un autre à trois temps, et un allegro agité. C’est dans cet agitato que se trouve ce bel accent d’orchestre, repris ensuite par la voix, avec ces mots : « Quand je vous presse sur mon sein, » et dont un musicien disait un jour : « C’est le cœur de l’orchestre qui s’agite ! » Cet air présente, pour la diction des paroles, l’enchaînement des phrases mélodiques et l’art de ménager la force des