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Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/173

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ébranle tout l’orchestre : « Il va parler ! » puis un silence subit :

Saisi de crainte et de respect.
Peuple, observe un profond silence.
Reine, dépose à son aspect
Le vain orgueil de la puissance !
Tremble !…

Ce dernier mot, prononcé sur une seule note soutenue, pendant que le prêtre, promenant sur Alceste un regard égaré, lui indique du geste le degré inférieur de l’autel où elle doit incliner son front royal, couronne d’une manière sublime cette scène extraordinaire. C’est prodigieux, c’est de la musique de géant, dont jamais avant Gluck on n’avait soupçonné l’existence.

Après un long silence général, dont le compositeur, avec une précision qui n’était pas dans ses habitudes, a déterminé exactement la durée en faisant compter aux voix et aux instruments deux mesures et demie, on entend la voix de l’oracle :

xxLe roi doit mourir aujourd’hui,
Si quelque autre au trépas ne se livre pour lui.

Cette phrase, dite presque en entier sur une seule note, et les sombres accords de trombones qui l’accompagnent ont été imités ou plutôt copiés par Mozart dans Don Giovanni, pour les quelques mots prononcés par la statue du commandeur dans le cimetière. Le chœur à demi-voix qui suit est d’un grand caractère ; c’est bien la stupeur et la consternation d’un peuple dont l’amour pour son roi ne va pas jusqu’à se dévouer pour lui. L’auteur a supprimé dans l’opéra français un second chœur qui, dans l’Alceste italienne, murmurait derrière la scène les mots : Fuggiamo ! fuggiamo ! pendant que le premier chœur, tout entier à son étonnement, répétait sans songer à fuir : Che annunzio funesto ! (quel oracle funeste !) À la place de ce deuxième chœur, il a fait parler le grand-prêtre d’une façon tout à fait naturelle et dramatique. Nous indiquerons à ce sujet