écrire sous peu), et surtout de Guillou, ce véritable artiste, cordial, intelligent, dévoué, dont je suis si heureux d’avoir fait la connaissance. Dites-lui bien qu’il ne regrette pas trop Paris et qu’il y mourrait d’une colère contenue, s’il était obligé de l’habiter maintenant.
Desmarest a été bien sensible à votre souvenir. Je vous le dis, parce que, sans aucun doute, il ne vous l’aura pas dit lui-même, il est trop Parisien pour vous avoir répondu. Sa place à l’Opéra est devenue meilleure, sans être bien merveilleuse ; pourtant, si je pouvais parvenir à le caser convenablement ici, il m’a avoué qu’il m’y suivrait de grand cœur. J’en serais heureux sous tous les rapports ; mais il n’y a pas beaucoup de chance en notre faveur. Tout est pris, et bien pris.
Je suis venu seul à Londres ; vous pouvez en deviner les raisons. D’ailleurs, j’avais un prodigieux besoin de cette liberté qui m’a toujours et partout manqué jusqu’ici. Il a fallu non pas un coup d’État, mais bien une succession de coups d’État pour parvenir à la reprendre. Cependant, tant que nous n’aurons pas commencé nos grandes répétitions, l’isolement où je vis une grande partie de mon temps me paraîtra étrange.
Puisque j’en suis à vous faire des confidences, croiriez-vous que je me suis laissé prendre à Pétersbourg par un amour véritable autant que grotesque ?… (Ici je vous laisse rire à grand orchestre et dans le mode majeur !… Allez ! allez ! ne vous gênez pas…) Je continue. — Par un amour poétique, atroce et parfaitement innocent (avec ou sans calembour), pour une jeune (pas trop jeune) fille qui me disait : « Je vous écriverai » et qui, en parlant des obsessions de sa mère pour la marier, ajoutait : « C’est une scie ! » Combien de promenades nous avons faites ensemble dans les