Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/30

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parents du Dauphiné, qui n’étaient pas bien sûrs que leur enfant prodigue fût destiné à briller dans la carrière musicale. Le père ordonna à son fils de revenir en province ; Hector obéit, mais, de retour à la Côte, il tomba dans un état de tristesse horrible, ne parlant à personne, passant les journées à errer dans les bois et les nuits à gémir dans l’ombre. M. Louis Berlioz finit par se laisser émouvoir : « Je consens, dit-il à son fils, à te laisser étudier la musique à Paris, mais pour quelque temps seulement ; et si, après de nouvelles épreuves, elles ne te sont pas favorables, tu me rendras bien la justice de déclarer que j’ai fait tout ce qu’il y avait à faire et tu te décideras à prendre une autre voie. Tu sais ce que je pense des poëtes médiocres : les artistes médiocres dans tous les genres ne valent pas mieux ; et ce serait pour moi un chagrin mortel, une humiliation profonde de te voir confondu dans la foule de ces hommes inutiles[1]. »

Ici, nous évitons à dessein de transcrire une scène intime que les Mémoires rapportent tout au long ; elle nous a paru chargée en couleur et inutile à recueillir pour en orner cette biographie… Nous voici de nouveau, avec Berlioz, dans la capitale, pendant l’hiver de 1826. Il commença par louer une très-petite chambre, au cinquième, dans la Cité, au coin de la rue de Harlay et du quai des Orfévres, s’imposa un régime alimentaire plus rigoureux peut-être que celui des solitaires de la Thébaïde ; mais ces économies ne suffirent pas à lui permettre de s’acquitter envers l’ami généreux, qui lui avait prêté naguère douze cents francs pour l’exécution de la messe à Saint-Roch. Comme la moitié de la somme était encore due, l’ami, M. de Pons, crut bien faire en réclamant cet argent à M. Berlioz père. Celui-ci,

  1. Mémoires, p. 37.