Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/31

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pour le coup, signifia à son fils qu’il n’eût plus à compter sur un budget mensuel : — Qu’importe ! pensa le déshérité, je suis accoutumé à vivre de peu ; et puis n’ai-je pas trouvé des leçons de solfège à un franc le cachet ?

Cette maigre ressource lui suffisait. Il eut la bonne fortune de rencontrer un Côtois de ses amis, étudiant en pharmacie, Antoine Charbonnel, et, comme la misère est plus facile à supporter à deux, les jeunes gens s’associèrent. Ils s’établirent, rue de la Harpe, au quartier Latin. Ils n’y menaient pas une existence de nababs ; on nous a communiqué le registre sur lequel ils inscrivaient leurs dépenses quotidiennes ; c’est on ne peut plus instructif.

En septembre, premier mois de l’association, ils commencent par acheter les ustensiles nécessaires à leur petit ménage : deux fourneaux, un pot à boulli (sic), une écumoire, une soupière, huit assiettes à quatre sols, et deux verres à quarante centimes. Le registre va du 6 septembre 1826 au 22 mai de l’année suivante. Les poireaux, le vinaigre, la moutarde, le fromage, l’axonge, y jouent les rôles principaux. Certaines journées paraissent avoir été terribles, surtout vers les fins de mois. Le 29 septembre, par exemple, les deux étudiants ont vécu de quelques grappes de raisin ; le 30, leur dépense s’est élevée à : « Pain… 0 fr. 43 c. Sel… 0 fr. 25 c. Total… 0 fr. 68 c.  ».

Le 1er janvier, jour où tout le monde est en fête, Charbonnel, qui avait sans doute des connaissances en ville, est allé dîner au dehors : Hector, sans parents, sans amis, est resté seul, devant les tisons éteints de son triste foyer. Il a grignoté une croûte de pain desséchée (40 centimes) en attendant la gloire et en se récitant des vers de Thomas