Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/317

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sujet des Troyens. J’ai, en effet, été obligé de garder le lit pendant vingt-deux jours, par suite des tourments endurés pendant les répétitions.

Qu’est-ce que cela en comparaison de ceux que votre malheur vous inflige[1] ? Il est singulier que tant de grands musiciens aient été frappés d’une calamité semblable : Beethoven, Onslow, Lwoff et Paganini, qui, lui, ne pouvait se faire entendre.

Je vous remercie de l’offre que vous voulez bien me faire d’un sujet d’opéra, mais je ne puis l’accepter, mon intention étant bien arrêtée de ne plus écrire. J’ai encore trois partitions d’opéras que les Parisiens ne connaissent pas, et je ne trouverai jamais les circonstances favorables pour les leur faire bien connaître. Il y a quatre ans que les Troyens sont terminés et l’on vient d’en représenter la seconde partie seulement : les Troyens à Carthage. Reste à représenter la Prise de Troie. Je n’écrirai jamais rien que pour un théâtre où l’on m’obéirait aveuglément, sans observations, où je serais le maître absolu. Et cela n’arrivera probablement pas.

Les théâtres (ainsi que je l’ai écrit quelque part), sont les mauvais lieux de la musique, et la chaste muse qu’on y traîne ne peut y entrer qu’en frémissant. Ou encore : les théâtres lyriques sont à la musique sicut amori lupanar.

Et les imbéciles et les idiots qui y pullulent, et les pompiers et les lampistes, et les sous-moucheurs de chandelles, et les habilleuses qui donnent des conseils aux auteurs et qui influencent le directeur !…

  1. M. A. Lwoff était devenu sourd.