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Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/336

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que voulez-vous ! je l’ai, et, si vous trouvez mon idée trop intempestive, vous en serez quitte pour ne pas me répondre et me traiter d’original.

Pourtant, le but secret de cette lettre est, et ne peut être, que d’en avoir une de vous. Si vous saviez avec quelle violence on s’ennuie à Paris ! Je suis seul, bien plus que seul. Je n’entends pas un son musical ; je n’entends que charabias à droite, charabias à gauche… Grétry disait qu’il donnerait un louis pour entendre une chanterelle dans l’opéra d’Uthal de Méhul, où il n’y a que des altos ; je donnerais bien le double pour entendre de temps en temps parler français autour de moi… Quand revenez-vous à Paris ? quand me jouerez-vous une sonate ? J’ai parlé de vous à Genève, où l’on m’a bien reçu, bien fêté et un peu grondé. Nous avons passé en revue ma vie parisienne, pendant de longues promenades sur le bord du lac… Ah ! bon ! me voilà parti ! je sens déjà, pour ces quatre mots, le serrement de gorge qui me prend. Parlons d’autre chose. Vous devez en faire aussi, de longues promenades, sur le bord de la mer. Vous avez là de bons gros crabes de votre connaissance, qui doivent venir à vos pieds, vous remercier de votre musique qu’ils écoutent si attentivement. Et cela vous flatte ; on est toujours flattée des hommages, même de ceux des crabes, quand on est jolie femme et grande virtuose. Dieu sait si vous en avez, à Paris, des crabes dans votre salon ! Voilà donc mademoiselle X… mariée ! Permettra-t-elle à son mari de porter une robe de chambre, elle qui ne veut pas tolérer ce vêtement pour Brutus ?

Quand vous serez revenue, un soir, il nous faudra recomposer notre petit auditoire d’hommes, et nous lirons Corio-