Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/341

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Ah ! mon pauvre Louis, si je ne t’avais pas… Figure-toi que je t’ai aimé, même quand tu étais tout petit. Et il m’est si difficile d’aimer les petits enfants ! Il y avait quelque chose en toi qui m’attirait. Ensuite, cela s’est affaibli à ton âge bête, quand tu n’avais pas le sens commun ; et, depuis lors, cela est revenu, cela s’est accru, et je t’aime comme tu sais, et cela ne fera qu’augmenter.


CXL.

À M. ASGER HAMERIK, A COPENHAGUE.


Paris, 1er décembre 1865.

Votre lettre m’a fait bien plaisir, vous ne m’avez pas oublié ! vous avez eu raison, car j’ai pour vous une affection véritable.

D’ailleurs, votre passion musicale me touche beaucoup, et bien que je ne m’intéresse plus à rien dans l’art, tant il est insulté et avili par notre horrible monde, je ne puis cependant voir sans de chaleureux élans de cœur un jeune artiste aux nobles illusions tel que vous.

Vous me rappelez ce que j’étais il y a quarante ans ; vous me le rappelez surtout par votre ardent amour de la musique, par votre croyance au beau, par votre énergique volonté, par votre persévérance indomptable.

Vivez, croyez, aimez et travaillez ! Méprisez le vulgaire, mais faites d’abord comme si vous ne le méprisiez pas ; laissez-lui croire que vous êtes de ses amis, de ses flatteurs même ; il est si bête qu’il ne s’en doutera pas !