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Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/345

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vous avez des amis qui viennent vous voir, un mari qui vous adore… Que devenir, bon Dieu ! que devenir ? Je contribue, pour ma part, autant qu’il est en moi, à vous rendre ce séjour maritime supportable, en m’abstenant, de toutes mes forces, de vous y visiter. Je ne puis rien de plus.

On m’a, pour ainsi dire, traîné dernièrement à X…, pour y présider un concours d’orphéonistes qui ont crié à tue-tête pendant sept heures d’horloge ; et vous savez que ces heures-là sont bien plus longues que celles des montres.

L’adjoint du maire a voulu m’avoir chez lui ; il est venu me chercher à la gare, en voiture attelée de deux superbes chevaux ; il a une maison toute neuve, bâtie hors de la ville, sur une petite éminence entourée de bois et de jardins. C’est un grand amateur de musique et un millionnaire, ce qui ne fait ni chanter ni juger faux. Il a sept enfants !

En apprenant cela, je m’étais fait un singulier portrait de leur mère. Je me figurais une femme laide, déhanchée, couperosée, tout ce qu’il y a d’affreux ! Eh bien, pas du tout : elle est charmante, d’une taille droite et fine comme une aiguille anglaise ; des yeux délicieux, pleins de feu ; naturelle, calme mais non froide ; pas trop dévote ; en relations convenables mais non compromettantes avec le bon Dieu ; ne gâtant point ses enfants ; se mettant bien, sans idées provinciales. Et dire qu’un homme a trouvé tout cela, femme, enfants, maison, millions, en vendant du vin de Champagne !

J’allais partir pour Genève quand il m’est arrivé une lettre d’un mien cousin (François Berlioz), directeur de la manufacture de glaces de Montluçon, qui vient se marier à Paris dans huit jours et qui me demande d’être son témoin.