Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/38

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Il n’y avait donc pour un musicien qu’un parti à prendre ; emporter en bandoulière un fusil de chasse, tirer de la poudre aux moineaux des Abruzzes, pincer les cordes d’une guitare, noter les mélodies populaires, saisies au vol, réciter l’Énéide sur le sommet des montagnes et maudire les cavatines, les cabalettes, les trilles, les fioritures, les prime donne assolute, les ténors aux longs cheveux, les librettistes à l’imagination glacée. Oh ! comme il était doux de se séparer de tout cela, de s’endormir, en liberté, à l’ombre d’un rocher sauvage, de s’asseoir au foyer d’une hôtellerie, dans quelque pays perdu ! Les auberges de la campagne romaine abondent en détails pittoresques ; quand les contadini, ayant attaché leurs chevaux dans la cour de l’osteria, entrent, à la tombée de la nuit, dans la salle commune où se vident les fiasques, leurs splendides haillons, leurs longs chapeaux pointus, leurs barbes touffues et mal peignées, forment l’assemblage le moins rassurant qui se puisse imaginer. C’est bien au milieu de ces paysans (ou de ces bandits) qu’une intelligence en éveil et à l’affût de la couleur devait trouver la Sérénade et l’Orgie des brigands de la symphonie d’Harold.

Les excursions de Berlioz à Subiaco, à Alatri, au mont Cassin, à Arcinasso, ne le consolaient que médiocrement de l’incurable ennui qu’il éprouvait dans la Ville éternelle.

…Enfin, enfin, il lui fut permis de quitter cette Italie qu’il ne revit jamais et où, contrairement à tant d’autres, moins difficiles, il n’avait pu s’acclimater. Son ardeur de rentrer dans la lutte et de se conquérir une place en vue était vraiment furieuse. On s’occupa de ses faits et gestes à Paris, dès qu’il y fut ; et, à ce propos, qu’on nous permette d’ouvrir une parenthèse. Nous croyons que la vie des grands hommes doit être murée ni plus ni moins que celle des simples particuliers ; mais quand un amour comme