Aller au contenu

Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/47

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

rois du monde. Il vous a appuyé de son approbation et de sa fortune ; c’est maintenant plus que jamais qu’il faut louer ce grand musicien qui vous tend la main.

»Cher Berlioz, je vous embrasse bien tendrement, dans toute la joie de mon cœur.

»Jules Jamin.

»20 décembre, 1838. »

Paganini n’avait pas affaire à un ingrat.

D’abord, Berlioz lui dédia sa symphonie de Roméo et Juliette ; puis, il traduisit l’ode italienne que le poëte Romani avait écrite en l’honneur du roi des violonistes, après un concert donné par ce dernier au théâtre Carignano, à Turin. L’ode de Romani est peu connue, la traduction en est oubliée tout à fait ; ce poétique morceau méritait un meilleur sort. On en jugera par les strophes suivantes :

« Oh ! qui me rendra un seul des sons fugitifs que verse ton archet comme un torrent de splendeurs éthérées ? Peut-être, ô souffles des airs, de ces lieux où ils se perdraient épars, les reportez-vous au ciel conservateur de toute mélodie ? Oh ! dans quel astre d’amour les déposez-vous afin de rendre et plus douces et plus joyeuses les évolutions de sa sphère radieuse ? Oh ! laissez-moi me désaltérer dans cette source pure d’immortelle harmonie ? que je m’y plonge et que j’y nage avec ivresse comme l’alcyon au sein des mers, comme le cygne au sein des lacs !

»Vains désirs ! l’homme ne se délivre point du poids qui l’attache à la terre ; l’aile rapide du son ne saurait être liée… Que le souvenir nous charme encore, puisqu’il est tout ce que nous pouvons conserver. Lui, du moins, sera impérissable, ô Paganini ! et les symphonies divines échappées de tes cordes émues retentiront dans nos cœurs et dans notre mémoire comme un bien qui n’est plus, mais que l’on sent toujours !…