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Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/48

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» Les nations qui sont par delà les Alpes et par delà les mers s’étonnaient, et la mère des chants, l’Italie elle-même, au bruit de ces mélodies inouïes, s’étonnait, comme firent les Thraces, quand, guidés par la lyre divine, faveur d’une déesse, ils serrèrent entre eux les premiers nœuds fraternels. Oui, tous étaient frappés d’étonnement, car des mains habiles et célestes avaient posé si loin les bornes de l’art, qu’il ne semblait plus possible de les reculer. Tous admiraient la puissance créatrice et souveraine donnée à un archet, et quand ils voulurent comparer, toutes les cordes qui, jusque-là, avaient vibré devant eux, leur parurent sourdes et inertes…

»Tout ce que la terre et le ciel et les flots ont de voix, tout ce que la douleur, la joie et la colère ont d’accents, tout est là dans le sein de ce bois creux ; c’est la harpe qui frémit et mêle ses soupirs aux nocturnes soupirs de la lyre d’Éolie, aux plaintes du vent parmi les branches et les feuilles ; c’est le pâtre entonnant sa chanson rustique en rassemblant son troupeau ; c’est le ménestrel invitant à la danse ; c’est la vierge se plaignant de ses peines à la lune silencieuse ; c’est le cri d’angoisse d’un cœur séparé du cœur qu’il aime ; c’est le badinage, c’est le charme, c’est la vie, c’est le baiser…

»Sur cette corde sont d’autres notes… que peut seul connaître le génie audacieux qui la tend et la modère ; mais l’Italie un jour avec transport les entendra… »

Nous avons emprunté ce morceau à un recueil, la Gazette musicale, qui fut, pour ainsi dire, le journal officiel de Berlioz, pendant vingt ans.

La Gazette musicale, fondée en 1834 par l’éditeur Schlesinger et continuée depuis par les frères Brandus, venait à un moment propice ; cette année était une année féconde pour l’art. Victor Hugo publiait Claude Gueux dans la Revue