Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/49

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de Paris, Alfred de Musset jetait au vent les pages légères de Fantasio, Halévy donnait à l’Opéra-Comique les Souvenirs de Lafleur et surveillait à l’Opéra les répétitions de la Juive, Ingres peignait les portraits de M. Bertin et du comte Molé, Jules Janin passionnait Paris avec ses feuilletons étincelants, un journal littéraire, le Protée, paraissait sous les auspices de Louis Desnoyers et de Léon Gozlan, que les compositeurs d’imprimerie ne connaissaient pas bien encore ; car ils écrivaient ainsi son nom : Gorian ou Gozean. La Gazette musicale obtint tout de suite un vif succès, mêlé de scandale. Le gérant de la Gazette, M. Schlesinger, fut attaqué dans une salle de concert par un élève de M. Herz, nommé Billard, et un duel s’ensuivit ; M. Billard fut atteint au bas ventre ; heureusement que la balle, amortie, ne produisit qu’une violente contusion.

Les articles de Berlioz dans la Gazette musicale sont nombreux ; nous signalerons spécialement le compte rendu de la première représentation de l’opéra des Huguenots, qui devait s’appeler primitivement la Saint-Barthélemy, et dont le rôle de basse, illustré par Levasseur, devait être confié à Serda. Pendant les répétitions, on ne croyait guère au succès de l’ouvrage ; le chef d’orchestre s’arrêtait souvent pour dire à Meyerbeer : — Ce passage-là n’a pas le sens commun. — Eh bien ! répliquait Meyerbeer de sa voix flûtée et avec un léger accent gascon, si ma musique n’a pas le sens commun, c’est qu’elle en a un autre[1].

En fait de critique, on a généreusement prêté à Berlioz les opinions les plus saugrenues ; il aimait les Huguenots, il aimait Guillaume Tell ; il n’a jamais écrit sur le Pré aux Clercs le fameux article qu’on lui a tant reproché. En veut-on la preuve ? Qu’on se donne la peine d’ouvrir le

  1. Gazette musicale, année 1836, p. 73.