Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/53

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du dehors, commencèrent à réfléchir ; si, par hasard, ils s’étaient trompés !… Il y eut une espèce de revirement dans le public et l’on vit, un jour, des conscrits entonner, dans la rue, le motif de la Marche funèbre et triomphale en se promenant du Palais-Royal aux Italiens et à l’Opéra. Le cortège se composait d’une centaine de jeunes gens précédés de vivandières, de sapeurs, de tambours-majors et de porte-drapeaux[1].

« A Bruxelles, nous dit le compositeur dans ses Mémoires, les opinions sur ma musique furent presque aussi divergentes qu’à Paris. » C’est là que nous nous trouvons pour la première fois en présence de mademoiselle Récio, que Berlioz devait épouser à la mort d’Henriette Smithson ; mademoiselle Récio chanta dans les concerts de son futur mari ; nous ignorons avec quel succès. Le voyage en Allemagne fut beaucoup plus décisif pour la gloire du musicien que l’excursion en Belgique ; depuis longtemps, Berlioz était attendu de l’autre côté du Rhin. Nous osons à peine révéler la vérité, car elle est triste à dire ; triste pour nous, Français, et pour notre goût artistique. Pendant que nous marchandions à notre compatriote de maigres applaudissements, la capitale de la Prusse le traitait en triomphateur ; on lui accordait le théâtre royal et les premiers artistes de la ville, le roi accourait de Potsdam à franc étrier, se mêlait à l’enthousiasme de ses sujets (malgré l’étiquette), demandait pour ses bandes militaires la Fête chez Capulet[2]. Bien mieux : le maître de la chapelle ducale de Brunswick, M. Georges Muller, venait, après l’audition de Roméo et Juliette, déposer une couronne sur la partition[3]. Mendelssohn enfin, qui dédaignait tant son camarade de Rome, échangeait avec lui son bâton de

  1. Gazette musicale, année 1842, p. 86.
  2. Ibid., année 1843, p. 169.
  3. Ibid., p. 115.