Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/59

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esprit : il est impossible que l’analogie ne vous frappe pas, pour peu que vous ayez l’habitude de faire des rapprochements entre les différentes parties de l’art.

Maintenant que la Damnation de Faust a reconquis la brillante place qu’elle doit occuper désormais dans les annales de la musique, il serait profitable et curieux de relire les critiques du temps. Parlant du magnifique chœur de la Pâque, un rédacteur d’un journal illustré insinuait que « cette résurrection ressemblait à un De Profundis » ; la Danse des paysans, ajoutait-il, « ne me paraît pas des plus réservées (chaste critique, va !) ; le rhythme en est pesant et empêtré et ne donne pas une haute opinion de la grâce et de la légèreté des Hongroises. » Le compte rendu signé par M. Scudo serait à citer d’un bout à l’autre : « Cette étrange composition (la Damnation de Faust) échappe à l’analyse… La Marche hongroise est un déchaînement effroyable… un amoncellement monstrueux… La chanson du Rat et de la Puce manque de rondeur, d’entrain, de gaieté… L’idée mélodique de la Danse des sylphes est empruntée à un chœur de la Nina de Paisiello : Dormi, ô cara… Dans la troisième partie, il n’y a d’un peu supportable que quelques mesures d’un menuet, etc., etc. » M. Scudo était un Italien désagréable, qui avait échoué dans la carrière de la composition et qui avait réussi dans la spécialité du dénigrement de l’école française. On lui connaissait des torts nombreux ; entre autres celui d’avoir écrit d’insipides romances longtemps chantées dans les pensionnats. Il se croyait une autorité et il n’était qu’un autoritaire, mal élevé d’ailleurs ; ses propres haines l’ont tué. Il a éclaté de rage, comme la grenouille de la Fontaine ; il est mort, délaissé et fou.

Après l’exécution de son chef-d’œuvre, Berlioz était ruiné ; il devait une somme considérable qu’il n’avait pas. Grâce à