Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/65

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ceau, les rois de Hanovre, de Saxe, de Prusse, l’empereur de Russie, le roi des Belges, la reine d’Angleterre, s’empressèrent de prendre part à la souscription : Beethoven avait été moins heureux, lorsque, pour faire éditer sa Messe, il ne rencontra que trois souscripteurs ; deux riches habitants de Vienne et… Louis XVIII. Au début du règne de Napoléon III, on ne jouait nulle part de la musique de Berlioz, c’est vrai ; seulement, il faut bien le reconnaître, le compositeur était comblé d’honneurs. Il avait reçu une avalanche de décorations ; l’Aigle rouge à Berlin, l’ordre de la maison Ernestine à Weimar, la croix de la Légion d’honneur ; il était correspondant de plusieurs sociétés, membre honoraire du Conservatoire de Prague, que dis-je ? il faisait partie de l’Académie… de Rio-de-Janeiro[1]. L’Institut — le vrai, celui qui siège à l’extrémité du pont des Arts — ne pouvait manquer de s’attacher un homme si dédaigné par la vile multitude et si favorisé par les souverains. Un des intimes de Berlioz, l’intelligent facteur d’orgues M. Édouard Alexandre, s’employa à soutenir la candidature de son ami. Il s’agissait de conquérir la voix d’Adam ; or, l’auteur du Chalet n’avait guère de points de contact avec l’auteur de la Symphonie fantastique et le rapprochement était difficile : « Voyons, voyons, dit M. Alexandre à Berlioz, qui ne voulait se résoudre à aucune démarche ; réconciliez-vous avec Adam ; que diable ! c’est un musicien ; vous ne pouvez nier cela ?… — Aussi, je ne le nie point, dit l’autre ; mais pourquoi Adam, qui est un grand musicien, s’obstine-t-il à s’encanailler dans le genre de l’opéra-comique ; s’il voulait, parbleu ! il ferait de la musique comme j’en fais ! » M. Alexandre ne se découragea pas, et, se rendant chez Adolphe Adam : « Mon cher ami, vous donnerez votre voix

  1. Gazette musicale, année 1857, p. 286.