Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/92

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Mais nos matelots intrépides n’en continuaient pas moins au haut de la vergue à plier précipitamment les voiles, et il s’est trouvé que la plus grande était carguée justement dans l’instant où le vaisseau revenait un peu sur lui-même, ce qui a rendu la seconde oscillation moins basse ; le gouvernail lâché par le pilote a permis au vaisseau de tourner et de se présenter au vent dans sa longueur ; ce court instant a suffi pour nous tirer d’affaire.

Alors il a fallu courir à la pompe, c’étaient des cris à devenir fou ; ensuite, pour compléter la détresse, la lanterne de la chambre s’était cassée et, en tombant sur des ballots de laine, y avait mis le feu. En voyant la fumée sortir par l’escalier, on s’en est aperçu ; l’enfer n’est pas pire qu’un pareil moment. Heureusement pour moi, je n’ai pas le mal de mer, mais il fallait voir ces pauvres passagers se vomissant les uns sur les autres, tombant dans l’escalier, sur le pont, saisis de vertiges affreux ; cela faisait mal. Le navire une fois remis, nous avons cheminé avec une seule voile et sans la moindre inquiétude, malgré la force de l’orage et l’inclinaison du vaisseau. C’était alors un autre concert, le vent sifflant dans les cordages nus, dans les poulies et les haubans, ricanait, grinçait comme un orchestre de petites flûtes ; mais le matelot qui était à côté de moi disait : Oh ! adesso, mi futto del vento ! et, en effet, nous sommes arrivés le matin même à Livourne, sans accident. Oh ! quelle nuit ! et la lune qui nous regardait en courant à travers les nuages, avec une physionomie toute décomposée ! elle semblait pressée d’arriver quelque part et ennuyée de nous trouver sur son passage.

Arrivé à Rome, j’ai trouvé que les bruits qu’on avait