Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/196

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L’ingratitude est l’indépendance du cœur.


Il y avait une fois un homme de beaucoup d’esprit, d’un naturel excellent, très-gai, mais dont la sensibilité était si vive, qu’à force d’avoir le cœur froissé et meurtri par le monde qui l’entourait, il avait fini par devenir mélancolique. Un grand défaut déparait ses rares qualités : il était moqueur, oh ! mais, moqueur, comme nul ne le fut avant ni après lui. Il se moquait de tous, sinon de tout ; des philosophes, des amoureux, des savants, des ignorants, des dévots, des impies, des vieillards, des jeunes gens, des malades, des médecins (des médecins surtout), des pères, des enfants, des filles innocentes, des femmes coupables, des marquis, des bourgeois, des acteurs, des poëtes, de ses ennemis, de ses amis, et enfin de lui-même. Les musiciens seuls ont échappé, je ne sais comment à son infatigable raillerie. Il est vrai que la satire des musiciens était déjà faite : Shakspeare les avait assez bien fustigés dans la scène finale du quatrième acte de Roméo et Juliette :

PIERRE.

« Et toi, Jacques Colophane, que dis-tu ?