Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/213

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curieuse sur le rhythme, où l’on trouve entre autres choses entièrement nouvelles le passage suivant :

« La musique de Beethoven fait aimer et se complaire dans le désespoir (l’auteur a peut-être voulu dire que cette musique fait aimer le désespoir et s’y complaire) ; on y pleure des larmes de sang, non pas sur les douleurs d’un Dieu mort pour nous, mais bien sur la perte éternelle du diable. Rhythme d’orgueil qui cherche la vérité, qui implore la vérité, mais qui ne veut pas accepter cette vérité dans les conditions où il lui a plu de se révéler à nous. C’est toujours le Juif disant au Rédempteur : Descends de la croix, et nous croirons en toi. Obéis à nos caprices, flatte nos mauvais instincts, et nous te proclamerons le Dieu de vérité, sinon… Crucifige ! Et ces œuvres-là le mettent à mort dans nos cœurs, comme les Juifs l’ont mis à mort sur la croix. »

Quel malheur de n’être pas théologien et philosophe ! Il me semble que si je l’étais, je comprendrais tout cela. Et cela doit être bien beau. L’un des points de la doctrine de l’auteur m’inspire pourtant quelques doutes. J’ai en effet souvent pleuré en entendant les œuvres de Beethoven ; ces larmes, il est vrai, n’étaient point causées par les douleurs d’un Dieu mort pour nous, mais à coup sûr, j’en puis jurer la main sur ma conscience, elles ne coulaient pas non plus sur la perte éternelle du diable, pour qui je n’ai plus d’amitié depuis longtemps.