Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/215

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ment pour la danse. Il n’est sorte de bons procédés que ces deux charmantes sœurs ne se prodiguent l’une à l’autre. Il en est ainsi depuis un temps immémorial : on les voit partout liguées, étroitement unies, prêtes à combattre à outrance les autres arts, les sciences, la philosophie et même le terrible bon sens. Ce fait avait été reconnu déjà au siècle de Louis XIV ; Molière l’a prouvé dans le premier acte de son Bourgeois gentilhomme :

« — La philosophie est quelque chose ; mais la musique, monsieur, la musique…

— La musique et la danse… la musique et la danse, c’est là tout ce qu’il faut.

— Il n’y a rien qui soit si utile dans un État que la musique.

— Il n’y a rien qui soit si nécessaire aux hommes que la danse.

— Sans la musique un État ne peut subsister.

— Sans la danse un homme ne saurait rien faire. »

Pourtant, si l’une des deux Muses abuse un peu de temps en temps de la bonté et de l’affection de l’autre, je crois que c’est la danse. Voyez ce qui se passe dans la confection des ballets. La musique s’est donné la peine de composer un délicieux morceau, bien conçu, mélodieux et instrumenté avec art, gai, alerte, entraînant. Arrive la danse qui lui dit : « Chère sœur, ton air est charmant, mais il est trop court ; allonge-le de seize mesures, ajoute-s-y n’importe quoi, j’ai besoin de ce