Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/278

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j’ai essayé de me lever pour vous écrire. C’est que j’ai passé hier une rude soirée et que j’avais grand besoin de dormir après de telles souffrances ! La représentation extraordinaire donnée par l’Opéra au bénéfice de la Caisse des pensions m’a compté parmi ses victimes. J’ai réalisé l’idéal de Balzac, et vous pouvez me regarder aujourd’hui comme, la personnification vivante de son artiste en pâtiments. Avant de vous raconter ma visite aux Lyonnais, laissez-moi vous dire ce qui vient de se passer à l’Opéra : ce sera le prologue de ma lettre provinciale. Le programme était d’autant plus attrayant, qu’il contenait moins de musique. L’affiche annonçait le deuxième acte d’Orphée, mais l’affiche mentait ; on n’a exécuté que la scène des enfers de cet opéra : or, cette scène ne forme pas même la moitié du second acte. Quant aux fragments de la Semiramide de Rossini, ils se composaient d’un air et d’un duo précédés de l’ouverture. Tel a été le bagage musical d’une soirée commencée à sept heures et qui a fini à minuit. Je me trompe, il faut compter en outre quelques airs biscayens intercallés dans le ballet de l’Apparition, et la moitié du menuet de la symphonie en sol mineur de Mozart, que l’orchestre a commencé à jouer pour un lever de rideau, et qu’il avait bonne envie de continuer quand les acteurs de la comédie sont venus lui imposer silence. On a tout autant de respect pour Mozart au Théâtre-Français. Seulement l’orchestre, qui se laisse aussi interrompre au milieu d’une phrase de Mozart, n’a pas, comme celui de l’Opéra, une di-