Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/294

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Saône, dans un pavillon assez semblable à celui où le diable emporta un jour notre Seigneur Jésus-Christ pour lui faire voir tous les royaumes de la terre. Ce diable-là n’était pas fort, en géologie du moins ; aussi notre Seigneur n’eut-il pas grand’peine à lui démontrer son ânerie et à le renvoyer tout penaud. Pour en revenir à ce pavillon de Fourvières, d’où l’on voit également tous les royaumes de la terre, jusqu’à la Guillotière inclusivement, j’y trouvai réunis, au nombre de vingt-quatre, les intelligences de Lyon. Ce qui fait une intelligence par 00000 Lyonnais ; j’ai oublié le chiffre de la population de cette grande ville. Encore ne faut-il pas compter dans ces deux douzaines d’Intelligences lyonnaises Fédérick Lemaître, qui donnait alors des représentations dans le Midi, M. Eugène de Pradel, ni moi.

Donc, en défalquant (le terme est joli !) nos trois intelligences, celles de Frederick, de M. Pradel, et la mienne, si j’ose m’exprimer ainsi, la société lyonnaise se trouvait réduite à 21 membres… ce jour-là. J’aime à croire qu’il y avait un nombre considérable de membres absents. On but rondement, on rit de même, et au café, qu’on alla prendre dans un kiosque encore plus élevé que le pavillon d’où l’on voit tous les royaumes… M. de Pradel, s’approchant de moi, fit ma connaissance, sans façon, sans se faire présenter, sans embarras, sans balbutier, et me tendit la main comme il aurait pu la tendre au premier venu. Cette force d’âme me plut ; j’aime les gens qui ne tremblent pas dans les grandes circonstances ; et à l’instar de Napo-