Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/373

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de la société philharmonique de Paris, un journal m’eut reproché de ne les avoir pas supprimées, regardant cette erreur de gravure comme un fait de notoriété publique, je reçus peu de jours après une lettre de M. Schindler. Or, M. Schindler m’écrivait précisément pour me remercier de n’avoir point fait cette correction ; M. Schindler, qui a passé sa vie avec Beethoven, ne croit point à la faute de la gravure, et il m’assurait avoir entendu les deux fameuses mesures dans toutes les exécutions de cette symphonie qui avaient en lieu sous la direction de Beethoven. Peut-on admettre que l’auteur, s’il eût reconnu là une faute, ne l’eût pas corrigée immédiatement ?

S’il a ensuite changé d’avis à ce sujet dans les dernières années de sa vie, c’est ce que je ne puis dire.

M. de Lenz, fort modéré d’ailleurs dans la discussion, perd son sang-froid quand il vient à se heurter contre les absurdités qu’on écrit encore et qu’on écrira toujours, partout, sur les chefs-d’œuvre de Beethoven. En pareil cas, toutes sa philosophie l’abandonne, il s’irrite, il est malheureux, il redevient adolescent. Hélas ! je puis le dire, sous ce rapport, j’étais encore à peine au sortir de l’enfance il y a quelques années ; mais aujourd’hui je ne m’irrite plus. J’ai lu et entendu tant et tant de choses extraordinaires, non-seulement en France, mais même en Allemagne, sur Beethoven et les plus nobles productions de son génie, que rien en ce genre ne peut maintenant m’émouvoir. Je crois même pouvoir me rendre un compte assez exact des diverses causes qui amènent cette divergence des opinions.

Les impressions de la musique sont fugitives et s’effacent promptement. Or, quand une musique est vraiment neuve, il lui faut plus de temps qu’à toute autre pour exercer une action puissante sur les organes de certains auditeurs, et pour laisser dans leur esprit une perception claire de cette action. Elle n’y parvient qu’à force d’agir sur eux de la même façon, à force de frapper et de refrapper au même endroit. Les opéras écrits dans un nouveau style sont plus vite appréciés que les compositions de concert, quelles que soient l’originalité,