Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/374

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l’excentricité même du style de ces opéras, et malgré les distractions que les accessoires dramatiques causent à l’auditeur. La raison en est simple : un opéra qui ne tombe pas a plat à la première représentation est toujours donné plusieurs fois de suite dans le théâtre qui vient de le produire ; il l’est aussi bientôt après dans vingt, trente, quarante autres théâtres, s’il a obtenu du succès. L’auditeur, qui, en l’écoutant une première fois, n’y a rien compris, se familiarise avec lui à la seconde représentation ; il l’aime davantage à la troisième, et finit surtout par se passionner tout à fait pour l’œuvre qui l’avait choqué de prime abord.

Il n’en peut être ainsi pour des symphonies qui ne sont exécutées qu’a de longs intervalles, et qui, au lieu d’effacer les mauvaises impressions qu’elles ont produites à leur apparition, laissent à ces impressions le temps de se fixer et de devenir des doctrines, des théories écrites, auxquelles le talent de l’écrivain qui les professe donne plus ou moins d’autorité, selon le degré d’impartialité qu’il semble mettre dans sa critique et l’apparente sagesse des avis qu’il donne à l’auteur.

La fréquence des exécutions est donc une condition essentielle pour le redressement des erreurs de l’opinion, lorsqu’il s’agit d’œuvres conçues, comme celles de Beethoven, en dehors des habitudes musicales de ceux qui les écoulent.

Mais si fréquentes, si excellentes, si entraînantes qu’on les suppose, ces exécutions même ne changeront l’opinion ni des hommes de mauvaise foi, ni des honnêtes gens à qui la nature a formellement refusé le sens nécessaire à la perception de certaines sensations, à l’intelligence d’un certain nombre d’idées. Vous aurez beau dire à ceux-là : « Admirez ce soleil levant ! — Quel soleil ! diront-ils tous ; nous ne voyons rien. » Et ils ne verront rien en effet ; les uns parce qu’ils sont aveugles, les autres parce qu’ils regardent à l’occident.

Si nous abordons maintenant la question des qualités d’exécution nécessaires aux œuvres originales, poétiques, hardies, des fondateurs de dynasties en musique, il faudra reconnaître que ces qualités devront être d’autant plus