Page:Bernède - La Ville aux illusions, 1936.djvu/103

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— Je ne suis pas allé la voir… pensa-t-il. Ce n’est pas chic… J’irai dès demain…

Le lendemain, sa journée lui parut encore plus triste et plus pénible qu’à l’habitude. Une petite pluie fine, qui transperçait tout, s’était mise à tomber. Et sous ce manteau de grisaille, Paris paraissait encore plus morose au pauvre déshérité.

Enfin, le soir vint. Il alla se changer, fit un brin de toilette, comme lorsqu’il se rendait avenue Hoche… Il poussa un soupir. Mais, courageusement, il refoula les idées sombres. Il avait promis à l’abbé Murillot de ne plus y penser…

Il gagna la rue Olivier-Noyer et découvrit sans peine l’immeuble où s’était réfugiée la jeune fille.

— Elle doit être là, pensa-t-il. À cette heure-ci, elle est sûrement rentrée de son travail.

Il s’informa près de la concierge. Celle-ci, une grande femme maigre et sèche comme son balai, le regarda d’un air soupçonneux, puis répondit enfin :

— Septième étage… chambre No 10…

— Merci !

Il commença l’escalade. L’escalier ressemblait étrangement au sien : même obscurité, à peine trouée par une ampoule accrochée çà et là, mêmes marches, raides et gluantes, même odeur de soupe aigre et de latrines… Au-delà des fenêtres, aux vitres sales, il devinait la même cour étroite et sombre, profonde comme un puits…

Enfin, il arriva dans un long couloir, sur lequel des portes s’alignaient avec un numéro… Mentalement, il compta :

— Quinze…, quatorze… treize… douze… onze… dix… Ça doit être ici.

Il frappa.

Un rai de lumière passait sous le battant. Un pas léger se fit entendre, et la porte s’ouvrit. En même temps, une exclamation heureuse jaillit.

— Quoi ! c’est vous, Jean ?

— Bonsoir, Marcelle ! fit-il en entrant et en repoussant le loquet. Comment allez-vous ?